Le Théâtre national est l'une des plus importantes institutions culturelles tchèques. Au milieu du xixe siècle, alors que Prague n'est plus que la capitale des États de la couronne de Bohême depuis longtemps vassale du Saint-Empire romain germanique puis Austro-hongrois et dont les élites sont largement germanisées sinon allemandes, le réveil du sentiment national tchèque secoue la ville de sa torpeur. Le Théâtre national sera le catalyseur, le symbole et l'illustration de cette renaissance de la culture tchèque.
Une souscription nationale est lancée et la première pierre posée le 16 mai 1868, cérémonie qui donne lieu à ce qui est, de facto, une manifestation politique et une revendication contre le pouvoir impérial viennois. L'idée de l'édification d'un théâtre naît à l'automne 1844 lors d'une réunion de patriotes tchèques et est mise en œuvre par František Palacký qui soumet, le 29 janvier 1845 le projet à l'Assemblée des États de la couronne de Bohême, requérant « le privilège de la construction, l'ameublement, le maintien et la direction d'un théâtre tchèque indépendant ». Ce privilège est accordé en avril 1845. Il faudra six ans avant que ne se fonde, en avril 1851, la Société pour l'établissement d'un théâtre national à Prague et qu'une souscription publique soit lancée qui permet, un an plus tard, l'achat d'un terrain sur les rives de la Vltava faisant face au Château de Prague, emplacement idéal même si la forme trapézoïdale du terrain pose un défi aux futurs architectes.
La période d'absolutisme sourcilleux qui suit le Printemps des peuples ralentit temporairement le projet initial : sous la direction de F.L. Rieger, un théâtre temporaire est néanmoins édifié au sud de la parcelle par l'architecte Ignac Ullman, il ouvre ses portes le 18 novembre 1862. En parallèle, une nouvelle génération (Sladkovský, Tyrš, Neruda, Hálek) prend les rênes de la Société pour l'établissement d'un théâtre national à Prague avec une énergie nouvelle et un plan ambitieux. Sous couvert d'une compétition publique, l'architecte Josef Zítek, professeur au collège technique de Prague, est commissionné pour dresser les plans du Théâtre national. Les travaux commencent en 1867, la première pierre solennellement posée le 16 mai 1868, les fondations achevées en novembre de la même année et la construction du gros œuvre achevée en 1877. Dès 1875, une compétition, dont les grandes lignes sont dressées par une commission spéciale sous la direction de Sladkovský, est ouverte pour la décoration intérieure: dans un esprit néorenaissance, il s'agit d'illustrer la mythologie slave et l'histoire tchèque et souligner une idéologie nationaliste. Les artistes majeurs de l'époque s'attellent à la tâche — l'histoire de l'art les retiendra sous l'appellation de la génération du Théâtre national.
Le Théâtre national ouvre ses portes pour la première fois le 11 juin 1881 en l'honneur de la visite de l'archiduc Rodolphe. Onze représentations s'ensuivent suite à quoi le Théâtre referme pour permettre de mettre une touche finale à la décoration. C'est durant ces travaux finaux qu'un incendie se déclare, le 12 août 1881. Il est perçu comme une catastrophe nationale et un mouvement de fond secoue la société tchèque: en un mois et demi un million de guldens sont réunis pour sa reconstruction confiée à l'élève de Zítek, l'architecte Josef Schulz qui défend un grand dessein, l'intégration du théâtre temporaire, du nouveau théâtre dont ne reste que la façade et d'un pâté de maisons appartenant au Dr Polák situé derrière le théâtre temporaire — fusion qui donne au théâtre actuel son architecture inimitable, surprenante et composite.
La ré-inauguration a lieu le 18 novembre 1883 avec l'opéra Libuše de Smetana composé pour l'occasion. Le bâtiment, parfaitement équipé avec son éclairage électrique et ses équipements scéniques en fer, servira sans modification majeure pendant un siècle jusqu'au 1er avril 1977, quand, après une représentation de la Lanterne de Alois Jirásek, il ferme ses portes pour six ans de travaux sous la supervision de l'architecte Zdeněk Vávra. Outre une refonte intérieure radicale, le Théâtre se voit adjoindre une annexe, un assez laid pavé de verre sur l'avenue Národní, qui héberge la billetterie et la Nouvelle Scène (Nová Siň) de la célèbre Lanterne magique (Laterna Magika). Il ouvre à nouveau ses portes au public à temps pour le centenaire du Théâtre, le 18 novembre 1983 et une représentation du Libuše de Smetana. Trois ensembles artistiques y occupent la scène principale à tour de rôle: l'Opéra national, le Ballet national et le Théâtre national. Ces ensembles se partagent également le théâtre des États (Stavovské divadlo, ou eut lieu la première du Don Giovanni de Mozart) et le théâtre Kolowrat.
Dans un pays dont l'un des dictions affirme « tel Tchèque, tel musicien » (Co Čech, to muzikant), le Théâtre national de Prague est l'un des éléments-clé qui a permis la construction d'une identité nationale, l'affirmation d'une culture propre et l'émergence d'un langage musical fédérateur.
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